L’insertion par Luc, à ce stade de la rédaction de son Evangile, de la perplexité que provoquait chez Hérode, auteur de l’exécution de Jean-Baptiste, tout le bruit qui se faisait autour de Jésus, est intéressante à plusieurs titres :
1. elle nous donne une indication de la proportion qu’a prise, à ce stade de son ministère, la réputation de Jésus. Il y a bien un phénomène Jésus qui existe, prend de l’ampleur et devient incontournable. Se pose la question, à travers Hérode, pour les autorités, de savoir ce qu’il faut penser de ce phénomène et comment réagir face à lui.
Tant que le christianisme se contente d’être l’apanage d’une minorité qui reste discrète et ne perturbe pas l’ordre social, on le supporte bien. Après tout, chacun est libre de croire et d’adhérer à ce qu’il veut. Autre chose se produit cependant lorsque le phénomène prend de l’ampleur, qu’il provoque des remous et qu’il devient une donnée sur laquelle il n’est pas possible de faire l’impasse. De force positive qu’il est, il apparaît inévitablement pour le pouvoir en place comme un élément qui, en premier lieu, doit faire l’objet de surveillance et d’attention si ce n’est, par la suite si la chose continue, de répression et d’éradication. Rien ne paraît plus dangereux pour le pouvoir en place que quelque chose qu’il n’arrive ni à expliquer, ni à maîtriser.
2. elle nous donne un aperçu de la nature des bruits et des rumeurs qui s’étaient greffés sur ce phénomène nouveau qu’était Jésus en Son temps. Si le premier siècle n’était pas aussi doté que le nôtre en moyens d’informations de tous genres, ce que nous rapporte Luc ici montre à quel point les bruits et les rumeurs infondés, colportés de bouche à oreille, nuisent à la vérité. La question se pose donc à chacun de nous comme à Hérode de savoir sur quoi nous fondons dans nos vies nos jugements et l’opinion que nous nous faisons d’une chose, d’un phénomène, d’une idée : sur les faits, ce qui nécessite pour nous de remonter aussi près de la source qu’il est possible, ou sur l’interprétation souvent déformée que nous en donnent ceux qui n’ont fait qu’entendre dire des choses sur le sujet. Il y a fort à parier dans l’histoire qu’un grand nombre de martyrs aient, comme Jésus, été exécuté sur la base de malentendus ou de craintes non fondées dus aux bruits infondés répandus à leur propos.
3. elle souligne enfin le fait que ce qui gêne parfois les tenants du pourvoir (mais cela peut être vrai pour chacun) lors de l’émergence d’un phénomène nouveau n’est pas le phénomène en lui-même, mais ce qu’il ravive et réveille en eux. Nous pouvons comme Hérode éliminer ceux qui représentent à nos yeux des aiguillons qui nous gâchent la vie ou notre plaisir. Nous serons cependant impuissants pour faire taire la voix de notre conscience qui ne manquera pas, en temps voulu, de nous tourmenter en nous rappelant nos forfaits. « Ce sentiment qui convoque un homme au tribunal de Dieu est comme un gardien qui lui est donné pour l’éveiller et l’épier, et pour dévoiler tout ce qu’il aimerait cacher : Jean Calvin. » Dieu sait ainsi combien, dans ce monde, de crimes et d’injustices ont été commis qui, sous prétexte de sécurité, n’avaient pour raison d’être que le tourment d’une mauvais conscience rongée par l’accusation.
Que Dieu nous aide pour nous-mêmes à ne pas nous priver de la grâce de peur que nos fautes non confessées, telles des plantes nuisibles, produisent de mauvais rejets et n’occasionnent de nouveaux dégâts. Le sang de Christ seul a le pouvoir d’effacer nos péchés et apaiser nos consciences tourmentées : Hébr 12,15 ; 9,14 ; 10,22
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