Parabole des vignerons
S’il est un art dans lequel Jésus excelle, c’est bien dans celui de ramasser en peu de mots des vérités qui ont mis, pourtant , des siècles à s’incarner. Car Jésus le montre ici : la révélation est une histoire, l’histoire des relations difficiles de Dieu avec Son peuple et, plus particulièrement avec ceux qui, parmi Son peuple, ont reçu la charge d’être à la fois les dépositaires et les gérants de Ses richesses. Nul doute que la parabole que Jésus raconte ici ne rend pas compte de tous les aspects du dessein entier de Dieu. Dieu l’a fait savoir dès le début à Abraham : la décision qui L’a amené à porter son choix sur lui, pour faire de lui et de sa descendance un peuple choisi, ne s’arrête pas à lui mais a comme fin ultime la bénédiction du monde entier : Genèse 12,1 à 3. Dès le commencement, la fin est mentionnée. La parabole, cependant, résume bien le vécu réel de Dieu avec Israël, Son peuple, et plus particulièrement ses responsables à qui Jésus s’adresse et, ils l’auront vite compris, à qui Il la destine.
Que dit cette parabole ? Elle a pour objet de révéler, aux yeux des scribes, des prêtres et des anciens réunis autour de Jésus, une constante de l’histoire qui, à elle seule, suffit à expliquer la raison à la fois de leur incrédulité et de leur hostilité présentes envers Lui. Cette constante est que, quels que soient les temps et les époques, Dieu, malgré le fait qu’Il était le propriétaire légitime des biens spirituels qu’Il a confié à Son peuple : cf Rom 9,4, dut toujours faire face à la même attitude de la part de ceux à qui Il en avait confié l’exploitation. Non seulement, Il ne put récolter aucun fruit de la vigne qu’Il avait remis à leur intendance : cf Esaïe 5,1 à 4, mais, de plus, tous ceux (les prophètes) qu’Il envoya vers les intendants revinrent les mains vides, après avoir subi maints violences et outrages, quand ils ne revinrent pas du tout : cf Matthieu 23,29 à 33.
Maintenant cependant, Jésus le précise, l’heure est beaucoup plus grave. Car, si le maître de la vigne, jusqu’à ce jour, a envoyé des serviteurs, c’est un personnage d’une autre importance qu’Il a décidé d’envoyer vers eux, espérant, d’une part qu’ils le reconnaissent, d’autre part, qu’ils le respectent. Pour ce qui est du premier souhait du propriétaire, pas de souci : les intendants ont bien compris à qui ils ont à faire. C’est sans ambiguïté que Jésus place dans leurs bouches la formulation exacte de son identité : celui (lui-même) qui, de la part du propriétaire, a été cette fois-ci envoyé vers eux, est l’héritier, le fils ! Pour autant, et malgré le rang et la dignité du personnage, leur attitude ne changera pas ! Comme pour les derniers serviteurs envoyés, le même sort lui sera réservé. Un complot est ourdi contre lui, le fils est fait prisonnier, puis exécuté hors de la vigne (symbolique ici de Jérusalem, épicentre de la vie spirituelle du pays). La venue du fils auprès des intendants n’aura servi qu’à une chose : entériner et fixer de manière définitive et irréversible l’attitude d’hostilité et de refus qui a été celle des intendants des biens de Dieu en Israël de tout temps envers Lui.
Le point de non-retour étant atteint ici avec le rejet et l’exécution du fils, Jésus conclut la parabole en révélant ce que sera la suite de l’histoire. Les premiers intendants s’étant montré totalement indignes de la grâce et des privilèges qui faisaient l’objet de leur vocation, le propriétaire, à la suite de la disparition de son fils, les fera à son tour disparaître. Puis, Il confiera sa vigne à d’autres.
Les paroles prophétiques de Jésus s’accompliront à la lettre. Elles sont et restent, des siècles plus tard, la clé de la compréhension de l’histoire à la fois singulière, mystérieuse et dramatique d’Israël. Une génération à peine après le rejet et l’exécution de Jésus à Jérusalem, le pays sera conquis, le temple détruit et le peuple exilé. Pour autant, loin de là, ce ne sera pas la fin de l’œuvre et du témoignage de Dieu dans le monde. Des mains d’Israël, l’exploitation des biens de Dieu, leur gérance passeront à l’Eglise. Du judaïsme mourant naîtra le christianisme triomphant… jusqu’au jour, selon Paul, du rétablissement final d’Israël : Rom 11,11 à 16. Car un seul et même dessein lie toutes les parties de la Révélation ensemble.
A nous qui sommes les intendants en seconde main des biens de Dieu, Paul le dit : Israël est un avertissement pour nous. Si eux qui avaient été les premiers choisis ont connu la disgrâce de Dieu, nous pouvons aussi, si nous ne manifestons pas de meilleures dispositions de coeur qu’eux, la connaître aussi : Rom 11,17 à 22. La grâce dont nous sommes l’objet ne nous affranchit pas de la crainte et du respect qui ont tant fait défaut à nos prédécesseurs juifs au cœurs des siècles. Que Dieu nous donne d’être les intendants dignes et fidèles de ces biens si précieux qu’Il nous a confié, qu’Il attend que nous soyons : 1 Cor 4,1 à 5 !
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